Canne à sucre au Rhum Patrimoine

Dans les années 1670, les terres vierges encore disponibles sur le littoral se raréfient, poussant les colons à investir des zones plus à l’intérieur des terres. Les propriétés sont dispersées, mais forment des « quartiers » secondaires. Au sud, de nombreuses concessions remontent le long de la rivière Pilote, et plus au nord, les pentes douces et les espaces aérés de la vallée des Coulisses sont défrichés et mis en culture.

A l’origine du peuplement, la région du Saint-Esprit est donc constituée d’un groupement de plusieurs concessions de colons vivant sur les hauteurs. Les défrichements pratiqués, les premières cultures sont acheminées vers le quartier Rivière-Salée dont dépendaient les concessions. Les habitants des hauteurs du Saint-Esprit avaient alors installé des  » coulisses  » le long des pentes afin de faciliter le transport des produits, c’est ainsi que le lieu de transit des produits était appelé  » Bourg des Coulisses ».

Au Saint-Esprit, le long de la rivière des Coulisses et de ses affluents, on compte 5 Habitations en 1770 et jusqu’à 12 en 1820. Plus modestes que dans le Nord de l’île ou dans la plaine du Lamentin, ces grandes propriétés nécessitent tout de même la construction et l’entretien de couteux bâtiments industriels, comme le moulin, la sucrerie, la purgerie ou l’étuve, nécessaires pour la transformation en sucre des cannes produites.

En 1819, la production cannière de la paroisse de Saint-Esprit ajoutée à celle de Rivière Pilote sa voisine, est modeste, couvrant seulement le tiers de la surface cultivée ; il s’y trouve cependant un moulin à vapeur et huit qui utilisent la force hydraulique. L’usine de Petit Bourg, ouverte en 1869, reçoit les cannes des plantations de Saint Esprit mais ce nouveau système provoque, sur de nombreuses habitations, l’abandon et la ruine des anciens bâtiments industriels, devenus inutiles.

Les mauvais rendements des usines centrales et la crise du sucre dans les années 1880 poussent de nombreuses habitations à se reconvertir en distilleries pour la production du rhum. Les besoins en alcool pendant la Première Guerre mondiale accentuent le phénomène. En 1939, il existe encore une distillerie au Saint-Esprit.

Dans les années 1970, la fermeture des dernières usines sucrières et des distilleries entraîne un recul significatif de la culture de la canne à sucre. 

Aujourd’hui, il est possible de remonter les vallées le long de la rivière Nau et de celle des Cacaos, pour découvrir des paysages bucoliques et ouverts, au relief doux et parfois reconvertis en bananeraies, pâturages ou bocages. Au gré de petites routes serpentant dans des vallées pittoresques, plantées de canne à sucre, ou à l’assaut des fortes pentes de nombreux mornes, dans une nature luxuriante et généreuse, il est possible de jouir de panoramas inattendus, totalement immergé au cœur d’une Martinique authentique et intimiste.

Un écrin de nature entre mer et mornes

Aujourd’hui la commune à vocation essentiellement agricole, est un des poumons verts de Fort-de-France et permet à ses habitants de s’oxygéner dans un environnement préservé. Aux pentes escarpées des nombreux mornes boisés s’opposent de vastes fonds de vallées aux pentes douces et des plaines fertiles, qui bordent les rivières. La mer n’est jamais bien loin. Elle est là, au bout du regard à moins de quinze kilomètres ! Saint -Esprit est le paradis des amoureux de nature qui disposent ici d’une diversité de sentiers de balades et de randonnées, à explorer à pied ou à vélo!

Traversez des campagnes cultivées, où des bouquets de bambous signalent le cours sinueux de la rivière. Longez les maisons aux jardins créoles plantés de gombos, ananas, dachines, manioc, oignons-pays, piments et autres épices. Jouez à saute moutons sur les courbes sensuelles des mornes, où s’ébattent volailles, vaches, chèvres, moutons, cochons… Dévalez les collines couvertes d’arbres fruitiers, de plantations de bananes, de canne à sucre… où le vent vient jouer les trouble fêtes. Remontez les vallées le long de la rivière Nau ou celle des Cacaos, pour découvrir des paysages bucoliques et ouverts, au relief doux et parfois reconvertis en pâturages ou bocages, et où l’on oublie presque l’existence tout proche de chemins escarpés montant à l’assaut des mornes. Bordés de mandariniers, ils s’illuminent pendant les périodes de noël, à la floraison des fleurs jaune orangé qui embaument votre parcours. Picorez en chemin quelques « zicaques » ces baies un peu acres qui ont fait le délice de générations d’écoliers. En traversant les forêts, sous un dôme de verdure, observez les arbres majestueux pouvant atteindre jusqu’à trente mètres de haut et les espèces peu courantes qui les habitent : le Bois de rose, l’Acajou pays, l’olivier Peyi, l’Angelin, le Bois Pistolet, le Palmier à Balais ou le café grand bois… Le pépiement des Pipiri, des sucriers à ventre jaune ou de quelques merles vous accompagnent. Vous pouvez même apercevoir lézards ou crapauds qui sont ici des espèces protégées.

En atteignant la ligne de crête menant à la montagne du Vauclin : le morne Baldara vous attend. C’est là que prend sa source la fontaine dite Caraïbe. Sur une crête qui semble partager la Martinique en deux, vous tombez sur une énorme concrétion en basalte dénommée Grosse Roche. Il s’agirait d’une ancienne coulée de lave, vestige d’anciennes éruptions, dont la plus ancienne remonterait à au moins dix millions d’années ! Ce lieu en hauteur offre une vue plongeante sur Saint-Esprit et des panoramas inattendus.

Hors des grands circuits touristiques classiques, Saint Esprit est un peu excentré de l’agitation de la côte. La commune, intimiste, est sertie dans un environnement unique aux paysages authentiques, un écrin au charme sans pareil.

Saveurs & Parfums

Le marché couvert de Saint Esprit est le lieu d’expression par excellence des goûts et des saveurs de ce bourg longtemps voué aux productions agricoles et aujourd’hui réputé pour ses cultures maraîchères, vivrières, sa production de fruits et de légumes, de plantes médicinales et de canne à sucre.

En effet, les producteurs d’aujourd’hui s’attachent à poursuivre la culture du jardin créole, fruit d’un héritage multiculturel, se réclamant d’influences à la fois amérindiennes, africaines et européennes, dans lequel les plantes vivrières et ornementales se mélangent sans ordre apparent, dans un joyeux fouillis offrant une grande richesse en ambiances et en biodiversité. Ils y font pousser des fruits et légumes sainement, mais aussi s’y rencontrent, tissent des liens et échangent une foule de savoirs traditionnels. Le jardin créole détient aussi une forte connotation symbolique  : il est en effet le pont entre l’homme et la nature, le lieu de fusion avec elle.

Le marché couvert est l’autre point de rencontre incontournable. C’est un bâtiment métallique construit à l’emplacement même où se tenait traditionnellement le marché du bourg, très longtemps centre attractif de la commune et de ses environs. Vers 1913, le pavage de l’espace dévolu au marché est décidé afin de l’assainir. La couverture s’achève en 1930. Jusqu’à la veille de la seconde Guerre Mondiale, ce lieu très animé, propose outre les produits agricoles traditionnels, des objets fabriqués par les artisans de la métallurgie. Les petits propriétaires de cultures vivrières s’y rassemblaient aussi le dimanche en compagnie de chaisiers, de cordiers, de vanniers.

De 1995 à 2008, le marché a été transformé en église. A l’intérieur, la charpente métallique est apparente. La fontaine en fonte a été fondue dans la Sarthe. Elle est signée Chappé et fils.

Le marché dans sa forme actuelle a été inauguré le 12 septembre 2010. Il accueille les marchands et les artisans des environs dans une ambiance chatoyante et bruyante. On peut y faire ses achats auprès des producteurs de l’île et déguster dans les petits restaurants alentours toutes les spécialités locales :  gratin de cabri, de christophine, de papaye verte, mérou grillé,  fricassée de chatrou, ignames et petits légumes, flan coco… Les saveurs authentiques de la Martinique !