Sur la Route Bleue Mythique de la Caraïbe By Odyssea

La Canne à sucre

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La Canne à sucre

Le trésor de la Martinique

La canne à sucre est une plante de la famille des graminées décrite par Linné (naturaliste Suédois qui est à la base de la classification actuelle des végétaux, animaux et minéraux) en 1753. Elle doit son nom au fait qu’elle était, dans un premier temps en occident, surtout utilisée dans les préparations en pharmacie. Ce grand roseau dont la hauteur peut aller jusqu’à 6 mètres a en effet très tôt intéressé les cultivateurs pour sa capacité à emmagasiner dans sa tige la saccharose (sucre) par photosynthèse. Le taux de sucre contenu dans la canne peut ainsi atteindre les 15%. Une fois récoltée puis broyée dans de grands moulins, la canne donne un liquide (Vesou) que l’on transformera en sucre après cristallisation, ou en rhum après distillation.

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A l’origine du rhum : la canne à sucre

Qualités et variétés

La canne à sucre (Saccharum officinarum) est une plante de la famille des graminées décrite par Linné (naturaliste Suédois qui est à la base de la classification actuelle des végétaux, animaux et minéraux) en 1753. Elle doit son nom au fait qu’elle était, dans un premier temps en occident, surtout utilisée dans les préparations en pharmacie. Ce grand roseau dont la hauteur peut aller jusqu’à 6 mètres a en effet très tôt intéressé les cultivateurs pour sa capacité à emmagasiner dans sa tige la saccharose (sucre) par photosynthèse. Le taux de sucre contenu dans la canne peut ainsi atteindre les 15%. Une fois récoltée puis broyée dans de grands moulins, la canne donne un liquide (Vesou) que l’on transformera en sucre après cristallisation, ou en rhum après distillation.

Des centaines de variétés de canne à sucre ont été créées dans différentes stations de recherche et d’hybridation. En croisant et en enrichissant ces variétés, on cherche à les rendre plus résistantes aux maladies et aux intempéries, plus productives, plus riches en sucre… Olivier de Serres, célèbre agronome français, avait essayé dès 1575, la culture de la canne dans le sud de la France autour de Montpellier en comparant ses qualités sucrières avec celles de la betterave. Aujourd’hui c’est toujours à Montpellier que les nouvelles variétés introduites dans certains départements sont mises en quarantaine.

Les variétés ainsi obtenues portent ensuite un nom barbare fait d’une initiale et d’une suite de chiffres. L’initiale correspond à la station d’hybridation, et les chiffres sont une sorte de référence, un numéro de série. Ce n’est qu’au niveau local que la canne adopte un surnom un peu plus charmant. C’est par exemple le cas de la fameuse Canne Bleue bien connue aux Antilles Françaises, et dont le code B.69-566 indique qu’elle a été créée à la Barbade. De la même manière, la Canne Rouge qui porte le code R.579 provient quant à elle de La Réunion.

Une plante convoitée

Retour arrière pour suivre la progression de sa culture à travers le monde. Elle arrive aux Antilles dans les bagages des Conquistadors portugais et espagnols, Christophe Colomb en tête qui l’introduit à Saint Domingue dès 1493. Avant cela, elle a bourlingué à travers le monde au fil des migrations et des conquêtes. De Nouvelle Guinée où elle apparait dès la préhistoire, on la retrouve en Chine, puis en Inde où le nom de sucre lui est donné. Les perses l’apportent au Moyen orient où les arabes vont la diffuser sur tout le pourtour méditerranéen qui jusqu’alors ne connaissait que le miel pour donner de la douceur à leurs recettes. Les pèlerins de Terre Sainte au retour de Croisades, la ramènent dans leurs bagages vers le vieux continent et les Vénitiens qui comprennent très tôt sa valeur marchande et l’engouement des populations à son égard, s’en octroient le monopole. Espagnols et portugais, après avoir tenté en vain de la produire dans leurs terres d’Andalousie,  l’embarquent vers leurs nouvelles colonies: Madère, Sao Tomé, les canaries, les côtes du Brésil, puis Saint Domingue, la Colombie, les îles des Antilles vont peu à peu se couvrir de champs de canne à sucre. Un succès qui en fait encore aujourd’hui le principal produit agricole de la planète. 

Dans le nouveau monde, notre Saccharum Officinarum devient la Canne Créole (Caña Criolla). La production du sucre commence en 1509 et s’étend aux Antilles et en Amérique (Porto Rico, Mexique, Brésil, Pérou) au cours du XVIème siècle. C’est au Brésil que naissent les premières grandes plantations sucrières. Très prolifiques, leurs rendements suscitent les convoitises et les attaques d’autres pays colonisateurs. En 1643, les plantations de canne à sucre des Caraïbes ont un rendement permettant l’ouverture des premières raffineries. Quelques décennies plus tard, la canne à sucre est une vraie manne pour les puissances européennes, qui se livrent une guerre sans merci pour le contrôle de son commerce. Sa valeur, à son apogée, dépassera celle de l’or. La France préférera abandonner le Canada aux Anglais (en 1763) et vendre pour une bouchée de pain la Louisiane (qui s’étendait bien au-delà de ses frontières actuelles) plutôt que perdre ses « Isles à sucre ».

Le Sucre au cœur des conflits et des crises européennes

Aux Antilles, la canne à sucre des colonies françaises de Guadeloupe, de Martinique et de Saint-Domingue à l’époque (Haïti), a considérablement contribué à la richesse et au développement économique et industriel de la «métropole», la France hexagonale.  À partir du XVIIe siècle, l’Europe et l’Amérique du Nord deviennent de plus en plus avide de sucre, et des villes comme Bordeaux, Nantes, La Rochelle, Lorient, Saint-Malo, Honfleur, Le Havre, Rochefort et Marseille ont prospéré sur la dynamique du commerce triangulaire (Afrique, Amériques, Europe). Cet héritage économique est bien présent aux Antilles, où une grande partie de l’agriculture dépend toujours de la canne.

C’est aussi durant cette période que le rhum de sucrerie a pris son essor, dès lors que l’on a compris son utilité en tant que sous-produit de la production de sucre par le biais de la mélasse. L’industrie du sucre et du rhum n’a cessé de prospérer tout au long de la colonisation et a poursuivi son expansion au cours du XVIIIème siècle. Même avec la concurrence de la betterave apparue au début du XIXème siècle et les différentes crises économiques qu’elle a connue jusqu’au cours du XXème siècle, elle reste l’une des plantes les plus cultivées aujourd’hui, que ce soit pour le sucre, le rhum ou les biocarburants.

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L’économie du sucre dans les Caraïbes

L’industrie sucrière de Guadeloupe

La canne à sucre fait son apparition sur « l’île aux belles eaux » vers les années 1640, en provenance du Brésil, où les Portugais l’avaient introduite dès le XVIe siècle. Supplantant le tabac, la culture de la canne démarre à grande échelle après 1660, et d’immenses plantations voient le jour, principalement sur la Grande terre et sur l’île de Marie-Galante. A cette époque, le territoire possède 11 usines principales et plus de 400 sucreries. L’usine d’Arboussier de Pointe-à-Pitre (où se trouve maintenant le Mémorial ACTe), importante innovation industrielle, est inaugurée en 1869. Elle est notamment alimentée par un train qui traverse la Grande Terre. L’île de Marie-Galante, plus grande dépendance de Guadeloupe, produit également beaucoup de canne. Vers 1800, elle compte plus de cent habitations sucrières avec autant de moulins. La culture de la canne prend une dimension technique et scientifique. Les machines se modernisent, des laboratoires sont créés pour la sélection des meilleurs plants, et pour améliorer la qualité du rhum. Des routes, des aqueducs, des ponts et des canaux sont construits. La Guadeloupe se bâtit, littéralement, sur le sucre.

De nos jours, la canne à sucre reste la principale culture en nombre d’exploitations (3800 planteurs environ) et pour la surface utilisée (13.390 hectares en 2018 selon l’Institut d’émission des départements d’Outre-mer [IEDOM]). Au milieu des années soixante, à son apogée, la Guadeloupe produisait 1,8 million de tonnes de cannes, pour chuter à 496.000 tonnes en 2019. Depuis 1968, le contexte est devenu très concurrentiel, car l’industrie sucrière entre dorénavant dans le cadre de l’Organisation commune de marché du sucre (OCM sucre). L’offre de la Guadeloupe et des autres producteurs ultramarins est donc confrontée au sucre de betterave vendu par les Européens, mais aussi à celui de pays tiers importé par l’Union.

Le capital patrimonial de la canne en Martinique

Tout comme en Guadeloupe, l’histoire de la Martinique s’est bâtie sur celle de la canne. Elle fait partie de l’ADN de son patrimoine géographique, socioéconomique et humain. La canne à sucre aurait été introduite sur « l’île aux fleurs » dès 1638, en provenance du Brésil. L’Europe entière s’étant pris d’engouement pour le sucre, la culture à grande échelle de la canne à partir des années 1660 va progressivement remplacer celle du tabac sur laquelle était basée l’économie de la colonie. Mais la plante est extrêmement vorace en main d’œuvre. Les travailleurs locaux sont en nombre insuffisants, des populations sont déplacées depuis l’Afrique durant deux siècles environ, assurant la richesse d’une multiplicité d’armateurs, de fournisseurs et d’intermédiaires de toute sorte, en Europe, aux Antilles et sur le continent africain. À la fin du XVIIe siècle, la production est d’environ 5000 tonnes de sucre brut. Contrairement à la Guadeloupe, la fin du travail servile a moins de conséquences économiques néfastes en Martinique. D’une part, les grands planteurs ont beaucoup plus de capitaux, qu’ils ont su faire fructifier. D’autre part, ils ont mieux maîtrisé le passage à une industrialisation et une mécanisation de la filière sucrière. Ainsi, en 1900, la Martinique compte une vingtaine d’usines et un peu plus de 110 distilleries.

Aujourd’hui, la canne à sucre représente la deuxième production agricole de la Martinique après la banane. Elle occupe 16,6% de la surface agricole utilisée (18,9% pour la banane). En 2019, la culture de la canne comptait 177 planteurs selon l’IEDOM, qui ont fourni un volume de cannes de 160.613 tonnes, dont plus de 85% destinés à la production de rhum.  Le rhum agricole (non industriel) de la Martinique est le seul rhum en France à bénéficier d’une appellation d’origine contrôlée (AOC). Ce label, qui lui a été attribué en 1996, caractérise une production spécifique liée à un terroir et un savoir-faire unique. Une reconnaissance particulièrement importante pour les rhums élaborés localement et qui concourt à leur rayonnement sur le plan international. Il existe actuellement une douzaine de grands rhums agricoles martiniquais.

La culture oubliée de la canne en Guyane

C’est un pan peu connu de l’histoire, mais la culture de la canne a été à une époque l’épicentre de l’organisation de la société coloniale en Guyane. Elle débute «dans les années 1659 avec l’arrivée des Juifs hollandais, dont une bonne partie venait du Pernambouc au Brésil.» Elle perdurera de manière industrielle jusqu’à la fin du XIXe siècle. Comme aux Antilles, les colons hollandais puis français ont profité de la gratuité de la main d’œuvre servile. En dépit des difficultés d’installation en milieu amazonien, des dizaines de sites de production existaient. Aujourd’hui recouverts par la forêt, pour la plupart, certains ont été révélés par des fouilles archéologiques, notamment dans le Bas Approuague.

À l’occasion des deux abolitions, en 1794 puis en 1848 (l’esclavage ayant été rétabli par Napoléon Bonaparte en 1802), des milliers d’esclaves trouvent refuge dans la forêt, rejoignant les « Noirs marrons » qui avaient déjà fui les plantations, ou créant leur propre communauté. Cela va provoquer momentanément l’effondrement de l’économie sucrière. Afin de remplacer la main d’œuvre servile, la France met alors en place un déplacement massif de forçats vers la Guyane à partir de 1852. Les bagnes de Cayenne, Saint-Laurent-du-Maroni et des îles du Salut sont créés. Des détenus y cultivaient la canne à sucre. Selon des chercheurs, «il y aurait eu une distillerie à tafia, un alcool élaboré à partir des résidus de sucre, jusque dans les années 1940 ainsi qu’une sucrerie qui aurait fermé à la fin du XIXème siècle. L’usine comprenant la sucrerie et la distillerie aurait été installée en 1867. Elle était également alimentée par de nombreux concessionnaires alentours. L’objectif était de prouver que le bagne était rentable et d’en faire un modèle pour l’Ouest guyanais, sur les plans industriel et économique. L’usine fermera avec la fin du bagne en 1946, mais une distillerie (la seule existant aujourd’hui) s’est installée près de là au début des années quatre-vingt, approvisionnée par des exploitants des champs de canne qui existent toujours.