Sur la Route Bleue Mythique de la Caraïbe By Odyssea

LES ROUTES COMMERCIALES

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Naissance de la marine marchande

Siècle des grandes découvertes, le XVe marque durablement les sociétés mondiales. La découverte de l’Amérique par Christophe Colomb en 1492, fait basculer l’Europe dans les Temps Modernes. Le Moyen-Âge tire sa révérence cédant la place à une époque résolument novatrice. On invente, on voyage, on découvre. Et ces découvertes s’accompagnent immanquablement d’une volonté d’expansion. Les pays d’Europe, l’Espagne en tête, régnent en maître sur les mers et les océans. Avec ce Nouveau Monde qui s’offre avec toutes ses richesses, les grands souverains comptent bien profiter de cette manne pour assoir plus encore leur pouvoir. S’ouvrent alors de grandes routes commerciales qui, partant des principaux ports européens, rejoignent les lointaines colonies qui attisent tant de convoitise. Des grandes compagnies maritimes privées sont créées. elles alimentent les territoires conquis avec les premiers colons chargés du développement de ces terres lointaines et elles recueillent le fruit de leur labeur pour alimenter les métropoles en produits exotiques, le sucre, notamment, grande source de richesse et que les premiers navigateurs ont apporté à bord de leurs caravelles.

Sur la Route Bleue Mythique de la Caraïbe

L’ORIGINE DU GRAND COMMERCE ATLANTIQUE

La révolution économique qui se produit à la fin du XVe siècle, marque pour l’histoire du commerce, le commencement des temps modernes. Elle est due aux découvertes géographiques des routes maritimes des Indes et du nouveau continent. Ces explorations ont pour cause, mais aussi pour conséquence, d’immenses progrès dans les techniques nautiques ainsi que dans la navigation. Christophe Colomb et ses successeurs n’auraient peut-être jamais découvert l’Amérique sans les perfectionnements de leurs navires et l’aptitude à calculer leur position en plein océan, leur permettant de tracer leur route, quasiment sans escale depuis Madère jusqu’à la mer des Caraïbes. Elles inaugurent dans l’histoire des transports une époque tout à fait nouvelle avec celle du grand commerce maritime. La création de « marines nationales » va permettre à un certain nombre de nations (l’Angleterre, l’Espagne, l’Empire Ottoman et le Portugal) de s’attribuer une part croissante des trafics.

On peut transporter des articles bien plus encombrants, des denrées alimentaires nouvelles, la capacité des navires augmente sans cesse, le prix du fret baisse. L’usage des produits des régions tropicales se généralise avec l’abaissement des prix. De grandes cultures sont créées dans le Nouveau Monde qui produit du sucre, du café, du coton… Tous ces articles prennent le nom de denrées coloniales.

Le centre de gravité de l’ancien monde se déplace. La Méditerranée jusqu’alors théâtre principal de l’activité commerciale perd de son attractivité ; les nouvelles routes maritimes, le centre de la civilisation et de la richesse se tournent vers l’océan Atlantique qui réunit l’ancien et le nouveau continent. Aux Egyptiens, aux Syriens, aux Grecs, aux Italiens vont succéder les Portugais, les Hollandais, les Français, les Anglais dans le développement du commerce sur les mers du monde.

 

NOUVELLES COMPAGNIES MARCHANDES

Les gouvernements des nations centralisées de l’Europe occidentale se découvrent un intérêt collectif, un intérêt national qui unit leurs différentes classes sociales contre l’étranger ; le commerce devient une affaire politique où le gouvernement intervient par des lois et des institutions puissantes. Les rivalités entre peuples sont portées sur le terrain économique. Chaque Etat cherche à paralyser le commerce du voisin par des monopoles, des droits de douane ; on ne tolère plus l’exploitation du commerce international par des intermédiaires, chaque peuple veut sa part, chaque gouvernement tient à être maître chez lui. Ce qui prévaut d’abord c’est le système des monopoles, qui se traduit en France par l’exclusivité.

Ce n’est que vers le milieu du XVIIIe siècle que l’idée de la libre concurrence commence à se produire en France jusqu’à ce que la grande révolution de 1789 proclame le droit de tous les citoyens au libre exercice de l’industrie et du commerce. » (Scherer).

II faut avouer que les concessions de privilèges considérables accordées aux grandes compagnies pour le commerce transocéanique se justifient à une époque où ce commerce exige des efforts et des dépenses qui excèdent les ressources de simples particuliers. Des compagnies sont créées avec des capitaux suffisants pour entretenir dans les pays lointains un personnel nombreux, souvent une force armée… Elles servent, dans un premier temps, les progrès du commerce; mais profitent ensuite de leurs privilèges pour élever arbitrairement les prix, sans souci de restreindre la consommation. Mal gérées, la plupart disparaissent avant la fin du XVIIIe siècle. Le système douanier se transforme au service de la politique; au lieu d’être un instrument fiscal, il sert à protéger l’industrie nationale; les droits d’entrée, primes de sortie, droits différentiels se développent.

Le fait dominant de l’histoire commerciale des Etats européens dans les temps modernes, c’est leur politique fondée sur l‘établissement de vastes colonies destinées à servir de débouchés aux produits de la métropole et à s’approvisionner en denrées tropicales à forte valeur ajoutée ; l’Etat se procure ainsi des possessions vis-à-vis desquelles il se comporte comme un propriétaire vis-à-vis d’une ferme.

LE PEUPLEMENT AU SERVICE DE
L’ECONOMIE DES METROPOLES

En même temps que l’installation des nouvelles colonies, un des effets de la grande navigation, objet d’un trafic considérable, est la mise en place d’un système colonial fondé sur le travail de prétendues races inférieures provoquant l’organisation d’un nouvel esclavage, la traite des Noirs qui devient un des objets principaux du commerce à partir du XVIe siècle et jusqu’au XVIIIe siècle et développe les échanges avec l’Afrique.

Pour cela, le contrôle du commerce international fondé sur une marine puissante et alimenté par des colonies solidement établies et bien peuplées est décisif. Il en résulte, que bien avant la grande période de la colonisation, le peuplement des colonies françaises au XVIe et plus encore au XVIIe siècle, s’inscrit dans des logiques européennes impérialistes fondées sur la puissance maritime et le commerce international, où l’économique et le politique sont étroitement liés.

Aux Indes occidentales par exemple, l’objectif est clair : il faut peupler ces nouveaux territoires, lancer de nouvelles cultures, réduire et évincer Anglais et Hollandais du commerce dans la Caraïbe. Colbert part d’un constat édifiant : le Roi y possède quatorze îles, dont les plus importantes sont Saint-Christophe, la Guadeloupe et la Martinique, mais ce sont les Hollandais qui en tirent profit. Ainsi, ils introduisent chaque année en France pour environ 3 millions de livres de produits des Indes occidentales : sucre, coton, tabac, indigo en particulier. Ils importent dans les Îles les esclaves de Guinée, la viande salée de Moscou et d’Irlande, des produits de Hollande qu’ils y échangent contre les produits des Indes et le vin français ; auxquels ils ajoutent les viandes moscovites tout en expédiant le jute et le bois vers le marché intérieur hollandais. Ce fructueux commerce leur permet d’employer 6 000 hommes sur 200 navires, autant d’emplois qui selon Colbert peuvent et doivent revenir à la France. À la fin de sa vie, Colbert a la satisfaction de constater le succès de sa politique : le commerce des Îles est aux mains des Français.

Depuis le XVe siècle, l’Europe poursuit la colonisation de tous les continents. La France peu à peu devient la puissance dominante en Europe, mais perd presque tout son empire colonial au XVIIIe siècle, tandis que l’Angleterre domine les mers sans partage. Bien qu’affaiblis, l’Espagne, le Portugal et la Hollande restent de grandes puissances coloniales. Les Antilles, du moins, sont prospères et alimentent un vaste commerce de denrées.

NOUVELLES ROUTES MARITIMES

Encouragées par le pouvoir royal qui les protège grâce au système de l’exclusif, les puissantes compagnies de commerce drainent les produits coloniaux vers les grands ports européens. Ce commerce modifie la vie des européens : la bourgeoisie commerçante des façades maritimes s’enrichit, la consommation de café, de sucre ou de tissus en coton se répand et l’exotisme marque les arts.

Le grand commerce se développe fortement au XVIIIe siècle et s’effectue par mer en suivant de véritables routes maritimes : route des Indes par le cap de Bonne espérance, route transatlantique anglaise, boucle des alizés pour le commerce triangulaire entre l’Europe, l’Afrique et l’Amérique. Il entraîne l’enrichissement des ports de la façade Atlantique européenne comme Liverpool, Londres, Nantes ou Bordeaux qui devient la troisième ville du royaume. La Rochelle tire également son épingle du jeu dans le commerce avec les îles à sucre des Antilles.

Si le XVIIIe siècle apparaît comme l’âge d’or du commerce entre la Rochelle et les Antilles, c’est dès le XVIe siècle que l’on peut noter des voyages fréquents à travers l’Atlantique de marins rochelais mi-marchands mi-corsaires, voire parfois pirates (véritables brigands des mers à la solde du plus offrant ou travaillant pour leur propre compte) partis fonder ces premières colonies. 

Jusqu’au début du XVIIIe siècle, le commerce avec les îles reste essentiellement un commerce en droiture visant à ravitailler les colonies. On y envoie des produits venus de l’arrière-pays et du reste de l’Europe que l’on vend ou que l’on échange contre des produits coloniaux comme le café, le cacao, la vanille et surtout le sucre. Rapidement des réseaux se forment entre les planteurs et les armateurs pour permettre à ce négoce de fructifier pleinement et cela des deux côtés de l’Atlantique. Certaines familles gèrent à la fois la production, le commerce et la revente en Europe en s’installant des deux côtés de l’océan.

LA ROUTE DES ANTILLES

Les marchands européens qui bénéficient des avancées de la navigation, développent des routes maritimes pour commercer avec les colonies. Dès leur départ d’Europe, les équipages ne sont pas libres de choisir leur route afin de se rendre aux Antilles. Les navires faisant le voyage transatlantique suivent les itinéraires tracés par les vents alizés. Grâce à ces vents, les navires venus d’Europe peuvent rejoindre en cinq à six semaines les Antilles. Après une étape aux Canaries, ceux-ci sont alors portés par ces vents de l’Atlantique sans avoir à fournir des changements de caps. Cette route partant des côtes africaines conduit alors les navires en droite ligne vers les îles de la Barbade puis de la Dominique et de la Martinique. Déjà au XVI° siècle, ce n’est qu’après avoir atteint ces deux dernières îles que les marins espagnols entraient dans le bassin caribéen.

Si cette route peut paraître à première vue bénéfique pour les marins du XVII° siècle, elle peut aussi très vite devenir une contrainte. Elle permet rapidement d’atteindre les Antilles mais oblige les navires à emprunter le même chemin et à entrer dans le bassin caribéen en passant devant les mêmes îles. Ceci a d’ailleurs influencé le choix de d’Esnambuc et de ses compagnons lors de leur installation dans le bassin caribéen. Or, cette route est aussi contraignante dans les circulations au sein du bassin caraïbe. Dans un premier temps, elle exclut les îles les plus au sud. Si un navire a pour projet d’atteindre en priorité l’île de la Grenade, il ne peut le faire qu’en allongeant son temps de navigation. Deux choix s’offrent alors à lui. Soit il longe les côtes africaines jusqu’à atteindre les alizés qui le porteront vers le plateau des Guyane et, de là, remonter vers l’île de la Grenade en entrant dans le bassin caribéen par son extrémité sud. Soit, et c’est cette solution qui est la plus souvent envisagée, il passe par la Martinique ou la Barbade.

REPARTITION DES ECHANGES DANS L’ESPACE CARAÏBE

Ce qui donne une place particulière aux îles n’est pas tant leurs positions sur cette route que le fait qu’elles soient ou non la destination recherchée par les capitaines. Un navire peut passer par une île, s’y arrêter et pour autant ne pas y pratiquer d’actes commerciaux. Si aucun échange n’est réalisé dans l’espace, le passage n’a alors aucune conséquence pour les habitants des lieux. Par exemple, tous les navires passent par l’île de la Dominique. Ceci donne quelque fois lieu à des échanges avec les populations locales mais l’objet du voyage n’étant pas de commercer avec eux, l’île ne devient donc pas un centre d’échange et de redistribution des marchandises. Elle reste à l’écart du grand commerce tout en étant au cœur de la route principale. Pour passer du statut d’île étape à celui de carrefour maritime, il est impératif que l’espace concerné arrive à attirer les navires et devienne objet de la navigation. 

Les navires ont tous pour projet d’accoster dans un maximum d’îles françaises et d’y faire du commerce de façon indifférenciée. Leur route les conduit alors au sein des trois îles principales : la Martinique, la Guadeloupe et Saint-Christophe. Là, ils y pratiquent le commerce avec les habitants et repartent vers la Métropole une fois les cales pleines.

La Martinique au départ simple étape sur le chemin de Saint Christophe, sa rivale du nord où est installé l’administration centrale, commence à attirer les navires pour elle-même et pas seulement parce qu’elle est la première île sur la route reliant le royaume de France aux Antilles. Le dénombrement de 1671 à la Martinique montre qu’il y a déjà un changement dans le centre de gravité des Petites Antilles avec le choix de déplacer l’administration de Saint-Christophe à la Martinique, dicté par l’évolution du nombre d’habitants dans les îles. La Martinique en 1670 est plus peuplée que Saint-Christophe, la culture de la canne à sucre s’étend sur tous les pourtours de l’île après l’expulsion des amérindiens et l’île s’affirme comme le nouveau pôle d’attractivité pour les navires venus commercer aux Antilles.

En effet, les navires venant aux Antilles ont tendance à y décharger leurs marchandises. La Guadeloupe, si elle est abordée, n’est en fait qu’un lieu secondaire de commerce pour les équipages. Les habitants ne reçoivent alors que les invendus des deux autres îles, ce qui ne favorisent pas le développement du commerce. Ceci va donc inciter les habitants de la Guadeloupe à commercer directement avec les ports de la Métropole. Certains vont s’appuyer sur des proches installés sur place, d’autres vont eux même faire le voyage transatlantique.

LA MARTINIQUE ET LES AUTRES ÎLES

D’autre part, la question du maintien de la colonisation dans l’île s’évaporant petit à petit, les habitants diversifient leur consommation et commencent à adopter un mode de vie beaucoup plus luxueux nécessitant l’envoi de marchandises plus variées du vieux continent. Enfin, le développement de la culture de la canne à sucre incite les navires qui se rendent dans les Antilles à délaisser le commerce du tabac. La Martinique attire alors plus de navires et devient peu à peu le centre de redistributions des marchandises.

De plus en 1691, les navires marchands sont contraints d’accoster au cul de sac du Fort Royal alors qu’avant ils pouvaient accoster là où ils voulaient . Ceci renforce encore plus la place de la Martinique. Si sa position est aussi affirmée, c’est parce qu’elle bénéficie de la venue des escadres envoyées dans les îles, escortant les navires marchands qui circulent dans l’espace antillais. Cette protection à destination de la Martinique rassure, au détriment des autres îles françaises.

Les habitants des autres îles n’étant pas connectées de façon équivalente aux réseaux de circulation entre les Antilles et l’Europe, sont contraints de développer de nouvelles routes de navigation secondaires pour pouvoir répondre à leur besoin et se maintenir dans les colonies. Malgré la concurrence qui existe entre les trois principales îles, les habitants de chacune d’elles ont soin de rester en contact et de développer des réseaux de commerces et d’échanges.

ÎLES SECONDAIRES, ÎLES NEUTRES 

Si l’ensemble des habitants dépendent de l’Europe pour leur subsistance, les îles principales sont aussi dépendantes des relations qu’elles entretiennent entre elles et avec les autres îles, plus éloignées des routes principales maritimes, pour pallier le manque de navires venus d’Europe. Si dans les îles de la Martinique, la Guadeloupe et Saint Christophe, des habitants s’adonnent à l’agriculture vivrière ou gardent une partie de leurs terres pour cultiver des denrées comestibles, le développement de l’industrie sucrière en limite l’extension. Ce sont alors auprès des îles secondaires que les habitants vont organiser leur approvisionnement.

La Martinique reçoit des embarcations provenant de Marie-Galante, des Saintes mais aussi de Saint Martin. Entre 1670 et 1674, des relations entre la Martinique et Sainte-Croix sont attestées. A partir de 1675, elle communique avec l’ensemble de l’espace caribéen français et devient le point central du système français dans les Petites Antilles. Ceci signifie que les marchands martiniquais sont en capacités d’approvisionner l’ensemble du domaine colonial français et qu’ils peuvent extraire de l’ensemble des îles les denrées dont ils ont besoin pour développer leur commerce. Les habitants de la Martinique peuvent ainsi accentuer leur emprise sur le monde caribéen français, devenant les premiers revendeurs de produits aux Antilles.

Mais ceci ne suffit toujours pas à assurer leur subsistance et à leur permettre de maintenir leur commerce. C’est pourquoi un troisième niveau d’échanges au sein de l’espace antillais se met en place reliant les îles françaises aux îles neutres ou détenues par des nations étrangères.

Les routes de navigations conduisent certains équipages vers les îles dites neutres, c’est à dire non occupées par des nations européennes et détenues par les populations amérindiennes que sont Saint-Vincent et la Dominique, auxquelles on peut ajouter Sainte-Lucie et les Grenadines laissées libres de réelles occupations physiques de la part des Européens. Saint-Vincent et Sainte-Lucie sont en relation exclusive avec la Martinique. A la Dominique, se retrouvent des navires venus de Guadeloupe et de Martinique de façon indifférenciée. Les équipages qui se rendent dans ces îles neutres, profitent de l’escale pour faire du commerce avec les populations amérindiennes, leur revendant des produits issus d’Europe dont principalement de l’alcool. En échange, ils en tirent des produits absents des îles principales comme des roche à chaux, du bois, des volailles…

COMMERCE INTERLOPE

Les habitants des Antilles françaises entrent aussi en relation avec les habitants des îles étrangères pour avoir accès à des produits de plus grandes valeurs. Même prohibé dans le cadre de l’exclusive, le manque de navires venant dans les îles incite les autorités locales à fermer les yeux sur ce commerce interlope. Partout dans les plus petites anses, les transactions s’opèrent abritées du regard des autorités. Grâce à lui, les habitants peuvent obtenir les marchandises dont ils ont besoin pour développer leur modèle colonial. Ce commerce pousse les habitants à s’orienter vers les îles étrangères les plus proches comme Montserrat pour la Guadeloupe et Saint-Eustache pour Sainte-Croix ou les relations particulières qu’entretiennent la Barbade et la Martinique. C’est ce dont témoigne le père Labat qui, embarquant depuis la Martinique pour la Grenade, passe à la Barbade où l’équipage en profite pour y faire du commerce.

C’est encore la Martinique qui concentre le plus de relations avec les îles étrangères. Ceci raffermit sa place centrale dans le monde caribéen. Toutes les îles reçoivent des navires passés par la Martinique et ses réseaux s’étendent même au-delà des Petites Antilles puisqu’elle est en relation avec les colonies espagnoles de l’Amérique, Saint-Domingue, Puerto Rico et même le Canada. Elle est aussi le réceptacle des navires venus de la Guyane au même titre que la Grenade. Cet attrait est dû en grande partie au fait que la Martinique a su développer ses ports et ses moyens de communications.

De véritables alliances naissent entre marchands étrangers et habitants des îles. Ceci est dû en partie à la façon dont le commerce y est exercé. Les échanges se font sous forme de troc. La monnaie n’a pas cours aux îles et les relations commerciales sont basées sur l’échange de produits. Ceci entraîne une nécessaire relation de confiance. De plus, les marchands étrangers ont tendance à accorder des prêts aux habitants, qu’ils doivent rembourser au retour de ces marchands. Ces derniers ne se contentent pas de venir commercer dans les îles, ils aident aussi les habitants en leur apportant ce qui leur est nécessaire pour pouvoir développer leur activité.

ESPACE DE COMMERCE ET D’ECHANGES 

Dans les premiers temps de la colonisation, il est difficile d’attribuer le terme de ville aux bourgs et bourgades qui se créent sur les littoraux. Or, pour pouvoir commercer et se développer, la société coloniale a dû très vite se doter de moyens pour accueillir les navires et pour pouvoir entretenir des équipages dans les îles.

Pour le bon déroulement des échanges maritimes, il est nécessaire que, sur la route des navires, il y ait non seulement des zones spécifiquement dédiées à l’accueil des équipages mais aussi des forts et des corps de garde visant à protéger embarcations et lieux de commerces . Ces lieux dotés d’infrastructures permettent le stockage des marchandises et leur redistribution. Ceci est d’autant plus vrai dans les Antilles au XVIIe siècle puisque les navires venus d’Europe ne passent pas par l’ensemble des îles sous gouvernance de la France. Il faut donc des points de rupture sur cette route pour que l’ensemble des habitants aient accès aux denrées dont ils ont besoin et en retour, profiter de ces escales pour vendre leurs productions. Ces espaces dédiés à la redistribution des marchandises deviennent ce que nous appelons des ports.

C’est à l’ombre de ces forts que les principaux échanges commerciaux se réalisent dans les îles. Ainsi en 1664, Saint-Pierre de la Martinique, Basse-Terre de la Guadeloupe et Basse-Terre de Saint-Christophe apparaissent comme des espaces portuaires d’échanges commerciaux majeurs.

En 1713, Saint-Pierre est le premier espace économique des Antilles française et ceux qui pratiquent le commerce choisissent de résider en priorité dans ses environs. Les navires se rendant aux Antilles savent alors qu’ils peuvent compter sur la présence de ces communautés marchandes pour faciliter leurs transactions et accélérer leurs échanges. Ceci incite donc les équipages à se rendre en priorité dans ces ports.

Au fil du temps, les îles se dotent de magasins et d’entrepôts tout le long des côtes, au cœur d’anses protégées pour le mouillage ou l’accostage des navires et qui caractérisent les espaces portuaires. Ils sont le symbole de la présence d’une population commerçante sur place et leur principal lieu de résidence, le plus souvent littorale.