Sur la Route Bleue Mythique de la Grande Caraïbe By Odyssea

Histoire de la Grande Caraïbe
vue de la mer

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DESTINATION GRANDE CARAÏBE

Lorsqu’on parle de la Caraïbe, on image un seul et même ensemble, mais on donne également à ce vaste espace géographique un nom pluriel : “Les Caraïbes”, sans doute plus proche de la réalité puisque composées d’une multitude de pays et de régions, avec leurs propres langues, leurs propres cultures, leurs propres spécificités. Malgré toutes ces différences, une histoire commune lie et relie tous ces peuples et ces territoires. Éloignés, mais si proches, les pays de la Grande Caraïbe racontent plusieurs siècles d’existence, depuis l’arrivée des premiers Amérindiens qui ont colonisé îles et continent, en passant par les grands navigateurs qui ont apporté à bord de leurs caravelles, tant de bouleversements, et jusqu’à aujourd’hui où la route commerciale du rhum a cédé la place à des courses au long cours à bord d’immenses voiliers, ou à des paquebots qui sillonnent les flots pour déposer à chaque escale leurs lots de touristes en quête d’exotisme. Du Sud des Etats-Unis jusqu’à la Guyane, en passant par les côtes mexicaine, colombienne, vénézuélienne… et la myriade d’îles baignées tout à la fois par l’océan Atlantique et la mer des Caraïbes, c’est une invitation à une découverte en immersion à travers une biodiversité immense, des cultures multiples et une histoire foisonnante, qui est offerte le long des Routes Bleues Odyssea.

Sur la Route Bleue Mythique de la Grande Caraïbe

ET SI L’HISTOIRE DE LA GRANDE CARAÏBE VUE DE LA MER ET DES FLEUVES M’ÉTAIT CONTÉE

La mer, véritable trait d’union entre les 700 îles et îlots et les pays du nord de l’Amérique du Sud et de l’Amérique Centrale qui composent la Grande Caraïbe, raconte l’histoire des peuples qui, à travers les âges, par volonté propre ou par contrainte, se sont implantés ici. Pendant des siècles, des luttes incessantes pour la conquête de ces territoires se sont succédées. Le vieil adage “Qui tient la mer, tient la terre” prend tout son sens ici. C’est par l’océan que les peuples premiers sont arrivés, par l’océan que la découverte par les Européens a pu avoir lieu, par l’océan que les grandes routes commerciales ont été tracées pour permettre aux pays colonisateurs d’asseoir leur suprématie économique. L’histoire de la Caraïbe est faite de rencontres entre civilisations que tout opposait. Elles ont eu lieu, souvent dans la souffrance, pour créer aujourd’hui des pays et des territoires à la forte identité, unis par un passé commun.

Il est aujourd’hui avéré que l’homme moderne, “homo erectus” voyageait à travers les mers voilà 800.000 ans. D’île en île il a tracé sa migration sur l’eau grâce aux premières embarcations sans doute des pirogues comme l’attestent des représentations d’art rupestre mises au jour.

La date du peuplement du continent américain a longtemps été estimée à 12.000 ans avant notre ère. Partis de la Sibérie, pendant la grande glaciation, des tribus de cueilleurs-chasseurs ont franchi à pied le détroit de Béring, sans doute en suivant les troupeaux de mammouths et de caribous. Aujourd’hui, à grâce à la datation au carbone 14 et aux recherches en biologie génétique on estime cette arrivée d’homo sapiens à une date beaucoup plus ancienne. 40.000 à 50.000 ans avant notre ère. La voie terrestre par Béring est donc certaine, mais la voie maritime par l’océan Pacifique, plus ancienne, est très probable. On parle même aujourd’hui d’une arrivée par l’océan Atlantique.

La Grande Caraïbe entre Mer & Océan

La longue histoire humaine a consisté à s’approprier l’espace en nommant, en fixant des repères, en organisant les territoires les uns par rapport aux autres. Il faut savoir que les océans et les mers sont définis par des conventions décidées par l’homme, et non réellement sur des critères objectifs. Par exemple, le nom « océan » n’est devenu officiel qu’à la fin du XIXe siècle, après que Magellan ait navigué sur l’océan Pacifique et le nomma ainsi par temps calme.

Le terme «mer» fait partie d’une famille d’un mot d’origine indo-européenne signifiant «lagune». C’est ainsi que l’on a en latin : «mare» et «maris» pour mer d’où «marinus» et «maritimus» (marin et maritime).

Le terme «océan» quant à lui vient du grec «Ôkeanos», divinité marine, l’eau qui entoure le «disque» de la Terre. Socrate, dans «Phédon de Platon», distingue bien la petite partie de la Terre que nous occupons «comme des grenouilles ou des fourmis autour d’un étang» et les courants nombreux et considérables : «le plus grand et le plus éloigné du centre est l’Océan dont le cours encercle la Terre».

Ceci explique sur les cartes romaines la présence du «mare oceanus» (l’actuel Atlantique NE), considéré comme une mer extérieure par opposition au «mare internum ou mediterraneum» (au milieu des terres), notre cher «mare nostrum». Le «Grand Océan» (l’actuel Océan Pacifique) n’était pas encore connu par notre civilisation quand Christophe Colomb a reçu, en 1492, de la Reine Isabelle de Castille, le titre d’amiral de la flotte de la «Mer océane» et de gouverneur général des «îles et continents à découvrir». C’est bien après la découverte du «Grand Océan», par Balboa (1513), et sa traversée d’Est en Ouest par Magellan en 1520, que l’on voit ainsi apparaître, vers la moitié du XVI siècle, sur les cartes marines, les termes « Océan Atlantique» et «Océan Pacifique ».

On rencontre, dès l’Antiquité, le mot « Atlantique » pour désigner le grand océan qui se trouve à l’ouest de l’Europe. Selon Hérodote, ce nom lui viendrait du peuple des Atlantes, qui habitait le Maroc. La dénomination disparut au Moyen ge. On lui préféra alors celle de « mer Occidentale » ou quelquefois de « mer du Nord ». Mais le géographe Mercator fit revivre le mot « Atlantique » en le plaçant sur sa célèbre mappemonde, en 1569, et ce terme se substitua dès lors, peu à peu, à celui de « mer Océane » des vieux cartographes français.

L’Océan lui-même se partage en diverses mers, non qu’il soit divisé par aucune borne, […] mais parce qu’une aussi grande étendue de mer que l’Océan est parcourue par des navigateurs qui ont besoin de distinguer en quel lieu ils se sont trouvés, on a imaginé des parties que l’on distingue par des noms plus particuliers ».

Les usagers des mers éprouvent le besoin de se situer. Délimiter, même approximativement, des portions océaniques et les nommer traduit une expérience répétée des pilotes et des capitaines qui identifient des « régions » liquides dont les houles, les vagues, la couleur et mille autres signes insensibles au terrien sont évidentes pour eux. Cela permet de capitaliser les savoirs empiriques qui réduisent l’inconnue océanique. 

Cette régionalisation empirique de l’Océan entre en tension avec un autre type de découpage, plus formel et théorique, à plus petite échelle cartographique, celui des géographes et cartographes sédentaires qui tracent les planisphères. Pour que les Européens puissent s’approprier le vaste monde, avant de le coloniser, la cartographie le donne à voir et à penser en le décomposant en quelques éléments, des parties du Monde, terres en continu (continents), mais aussi ensembles maritimes. Le nom d’Océan devient alors commun et utilisé au pluriel. Les cartes, anciennes comme actuelles, témoignent de ces deux niveaux de partition des mers, souvent traduits par une hiérarchie graphique des caractères écrits : lettres capitales, quelquefois en rouge, pour les océans, minuscules pour les sous-ensembles, les « mers » non fermées. 

Ainsi, mer Caraïbe ou mer des Caraïbes, est une mer de l’océan Atlantique, qui contrairement à ce que la méconnaissance peut laisser croire, n’est pas un mot d’origine amérindienne mais trouve son origine dans celui du peuple Caraïbe, qui habitait cette région jusqu’à l’arrivée des Espagnols au XVe siècle. Ce sont les nouveaux arrivants qui l’ont baptisée.

Les nouveaux venus d’Europe, en éliminant les sociétés autochtones ont réussi à éradiquer les anciens noms. La Caraïbe d’aujourd’hui porte l’empreinte de la domination européenne ; « les Européens ont fait preuve partout dans le monde qu’ils construisaient de la même façon de marquer nominalement leur emprise (ou du même manque d’imagination) mais nulle part aussi massivement qu’en Amérique » (Christian Grataloup, Géohistoire de la mondialisation, Armand Colin, 2007).

Le terme « Caraïbe » s’est peu à peu imposé pour nommer l’ensemble des îles et des pays qui bordent la mer des Antilles, en particulier lorsqu’il s’agit de désigner les réalisations culturelles de la région. Il tend à remplacer le mot « antillais » qui s’était diffusé au XIXe siècle dans un contexte colonial. Renvoyant aux Indiens caraïbes, victimes du génocide lent de la colonisation, il manifeste la volonté d’ancrer la vie culturelle dans les racines les plus profondes des îles.

Peuplement de la Caraïbe

Le peuplement des grandes îles et Petites Antilles sont le fait des Indiens Arawaks venus du plateau des Guyanes, aux alentours de 500 ans avant J.-C. Avec eux, ils apportent leurs connaissances en agriculture notamment, et implantent de nouvelles espèces botaniques et des pratiques d’Amazonie. Au fil des siècles cet ensemble se fractionne et on peut parler des premières cultures caribéennes à partir du VIIIe siècle de notre ère. Dans les Grandes Antilles, ce sont notamment les Taïnos qui s’implantent entre le XIIe et XVe siècle. 

Venus de Guyane, les Kaliganos, peuple belliqueux, s’implantent dans les Petites Antilles, entre le Xe et le XIIe siècle. Par la force, ils s’emparent des territoires, tuant ou réduisant en esclave, les premiers occupants.

Sur le continent, la présence amérindienne est attestée depuis 6.000 avant notre ère. Grâce à la gestion de leur environnement, les sociétés Tupi-Guarani et Arawaks ont  mis en valeur des terres jusque-là inondables pour les exploiter. En Guyane, notamment, on retrouve des traces de ces champs surélevés qui ont permis la culture, entre autres, du manioc et du maïs.

Vers l’an 900, les peuples Karibs s’imposent comme le peuple le plus important du plateau des Guyanes grâce à leurs conquêtes guerrières des territoires entre l’Orénoque et l’Oyapock, fleuve frontalier entre le Brésil et la Guyane.

Plus au nord, dans l’actuel Mexique, le premier village Maya date de – 1.000 avant J.-C. Ce peuple,  aux origines disparates, va  s’unir pour parvenir à une expansion géographique remarquable : des hauts-plateaux du Guatemala jusqu’à la péninsule du Yucatan en passant par la forêt du Petén. Sous leur règne, sortent de terres des cités, des temples, des pyramides. Ils tracent leurs premiers signes d’écriture, sont férus d’astronomie, imaginent un calendrier… La chute sera d’autant plus terrible que l’ascension fut spectaculaire. Une à une les cités s’effondrent, bien avant l’arrivée des Européens, sans qu’il soit donné d’explication plausible à ce déclin, même si l’on parle d’une crise écologique due à la culture intensive du maïs.

Dans la Colombie actuelle, les peuples de civilisation Chibcha, notamment les Taironas, ont développé des techniques agricoles sur les versants de la Sierra Nevada. Maîtrisant l’eau grâce à la construction d’aqueducs et de canaux, ils créent des cultures en terrasse. Ils seraient à l’origine du mythe de l’Eldorado grâce à leur art du travail de l’or. 

Carte « Nouvelle description de l’Amérique ou Nouveau Monde » d’après Ortélius, vers 1579. Neatline Antique Maps. © 2018 Neatline LLC

1492 : année des grands bouleversements

A l’arrivée de Christophe Colomb, en 1492,  l’estimation d’une population de 750.000 habitants est avancée sur le territoire de la Caraïbe. Les mauvais traitements, les maladies, variole et rougeole en tête, ont entraîné le déclin de tous ces peuples. Réduits en esclave, chassés de leurs territoires, aucun groupe n’a pu, malgré une résistance active, faire face à la puissance européenne.

A partir de cette date, la Caraïbe va connaître de grands bouleversements. Guidés par une soif insatiable d’or, les conquistadors espagnols vont s’emparer de ces terres si porteuses de richesse. Dans le sang le plus souvent (Hispaniola en 1502, Cuba en 1510, Puerto Rico en 1508, la Jamaïque en 1509) ils ne fondent leurs espoirs que sur le précieux minerai. De Cuba, ils rejoignent les côtes mexicaines guidés par Cortès en 1519. La Colombie sera atteinte en 1525, avec toujours son lot d’exactions et de massacres.

En 1550, la controverse de Valladolid, organisée par l’empereur Charles Quint, va ralentir la colonisation du Nouveau Monde. Pour un temps seulement. Tout à la fois politique, théologique et philosophique le débat porte notamment sur l’humanité ou non des Amérindiens et leur mise en esclavage car non humain donc non protégé par la main de Dieu et de ce fait évangélisables et, au pire, exterminables. Le dominicain Bartolomé de Las Casas, défenseur des Amérindiens, est alors opposé à Sepúlveda, théologien espagnol qui prône, dans cette Espagne catholique du XVIe siècle, le principe de races inférieures ou supérieures. La traite négrière plus tard en sera une autre preuve et l’évangélisation de ses “sauvages” devient très vite l’un des piliers de la colonisation.

Illustration : BNF – Théodore de Bry

Luttes territoriales

Au gré de leur conquête, les Espagnols instaurent la culture de la canne en utilisant les esclaves amérindiens pour son exploitation et mettant en place les prémisses de la traite négrière. Malgré quelques révoltes ici ou là, menées par des colons, dès le XVIe siècle, l’Espagne conserve une suprématie évidente dans la Caraïbe, suprématie accordée par le traité de Tordesillas, en 1494, par le pape qui a accordé à l’Espagne le monopole de la conquête.

Cette décision n’est pas pour satisfaire les autres puissances européennes qui veulent profiter du butin caribéen. Partis d’Angleterre, de France, de Hollande ou du Portugal, corsaires et flibustiers viennent à leur tour sillonner les eaux du Nouveau Monde. Parallèlement les premières compagnies commerciales se mettent en place et les grandes puissances s’intéressent aux territoires non convoités. Hollandais, Anglais et Français tentent à plusieurs reprises de s’installer en Guyane. Sans succès. Les premiers se tournent alors vers le Brésil et les seconds vers les Antilles. 

 Les Européens luttent les uns contre les autres pour la possession des îles et des territoires continentaux, qui changent de mains et de drapeau au fil des batailles, et doivent aussi faire face à la résistance des Amérindiens.

Crédits images : Wikimedia Commons 

 

Le sucre, l’or blanc de la Caraïbe

Ces conquêtes territoriales s’accompagnent toujours, puisque le but premier est bien l’enrichissement, d’une volonté manifeste de s’implanter durablement notamment grâce à la culture de la canne à sucre. Partout des plantations couvrent les territoires. Grâce au savoir-faire des juifs portugais aux Antilles et en Guyane, l’exploitation de la canne à sucre devient un enjeu primordial pour les Européens. Pour accroître plus encore le profit on fait venir des métropoles des forçats, puis face à l’ampleur des enjeux et des besoins, on imagine une solution durable : “la traite négrière”. Des millions d’Africains vont ainsi traverser à fond de cale l’Atlantique, pour venir grossir les rangs de la population servile, au service des colons européens. Le système est bien rodé ; on imagine même des “codes noirs” pour réglementer “l’usage de ces biens”.

La Caraïbe prospère grâce à la canne. Cuba, sous l’égide de l’Espagne, suit l’exemple de ses voisins et alors que l’Angleterre reste une nation dominante sur l’eau, à terre c’est la France qui domine économiquement : au XVIIIe siècle la seule production de Saint-Domingue dépasse celle de toutes les possessions anglaises. Seul bémol : la Guyane qui peine à développer sa colonie. La désastreuse expédition de Kourou et ses 9.000 morts entâchent durablement le territoire.

Mais, ici et là-bas en Europe, des voix s’élèvent contre ce système oppressif. Des révoltes menées par des noirs rebelles éclatent en Guyane, à Cuba, en Guadeloupe, à Antigua ou en Jamaïque où un traité de paix permet d’acter un État marron au cœur de l’île en 1739. Une guerre sur le terrain ici, et une guerre idéologique en Europe où cette fin de siècle apporte des idées nouvelles et où sont condamnés l’impérialisme et l’esclavage. En 1776, la guerre d’indépendance des États-Unis porte un coup fatal au colonialisme et inaugure un processus de rupture violente avec les puissances dominantes, laissant une trace indélébile dans les Caraïbes.

Soif d’émancipation

L’indépendance de ce grand voisin ainsi que les idées nouvelles nées notamment à la faveur de la Révolution française font souffler un vent de révolte sur la Caraïbe. Cette grande volonté de changement secoue notamment les colonies française, Martinique, Guadeloupe et Guyane. 1794 marque l’abollition de l’esclavage en France. Dans le même temps, la Guyane devient, pour la première fois, terre de bagne. Les réfractaires au nouveau régime y sont expédiés.

Six ans plus tard, Napoléon Bonaparte rétablit l’esclavage. Malgré la forte résistance à ce retour à l’ordre ancien, la répression est massive et féroce, notamment à Matouba contre les rebelles guadeloupéens. Les colonies espagnoles sont quant elles libérées à la faveur de l’invasion de l’Espagne par les troupes napoléoniennes.

En Colombie, au début du XIXe siècle, Simon Bolivar appelle à rompre avec l’Espagne. L’indépendance est décrétée en 1819 après l’entrée fracassante du “Liberator” à Bogota. C’est aussi à cette époque que les premiers soulèvements secouent le Mexique qui refuse le joug de l’Espagne. L’indépendance y est décrétée en 1821.

Mais le XIXe sera aussi synonyme de tensions internes. Guerres civiles et guérillas vont secouer les pays de l’arc caribéen. Alors que le Mexique doit céder aux États-Unis le Texas, l’Arizona et la Californie, la grande Colombie, à la mort de Bolivar, perd le Vénézuéla et l’Equateur en 1830. Amputée de ses colonies continentales, l’Espagne se replie sur ses possessions insulaires. A Cuba, la culture du café et de la canne prospère, toujours sous le régime servile, grâce notamment au savoir-faire des planteurs français.

Alors que les puissances européennes réunis au congrès de Vienne en 1815 votent pour l’abolition de l’esclave, peu de pays mettent en pratique cette décision. Le premier pays caribéen à abolir l’esclavage sera le Mexique en 1829, suivi de la Grande-Bretagne en 1833. La France, sous l’impulsion de Victor Schoelcher, abolira en 1848, la Colombie en 1851 et Cuba 1886. Une nouvelle ère commence : celle de la reconstruction dans les sociétés caribéennes. Si les propriétaires britanniques et français sont grassement indemnisés, aucune compensation ni foncière, ni financière n’est accordée aux anciens esclaves. La plupart d’entre eux se retrouvent donc dans des situations très difficiles. S’ajoute à cela, une décision de favoriser une immigration permettant des embauches à moindre coût. Les “nouveaux libres” se retrouvent très souvent en grande précarité.

Entrée dans le XXe siècle

La construction économique et politique des États libres et des territoires sous influence de la Caraïbe reste très difficile tant les écueils à surmonter sont nombreux. A Cuba, un vent de liberté souffle à la fin du XIXe. La République est proclamée après la première guerre d’indépendance de 1895 mais l’intervention militaire américaine et la déclaration de guerre des États-Unis contre l’Espagne ralentissent la progression des révolutionnaires. A la fin de la guerre, en 1898, Cuba passe sous contrôle américain. Indépendante sur le papier à partir de 1902, l’île est malgré tout sous la coupe économique de son géant de voisin ce qui lui permettra de traverser sans trop de heurts la grande crise sucrière de la fin du XIXe siècle, crise qui touchera durement les pays de la Grande Caraïbe qui avaient misé leur économie sur la canne à sucre.

Seule la Guyane, devenue terre de bagne sous Napoléon III qui visait à remplacer la population servile aujourd’hui libre, par des repris de justice, échappe dans une moindre mesure à ce chaos économique. La découverte de gisements aurifères à la fin du XIXe, transforme le territoire en véritable Eldorado et lui permet un développement démographique grâce à l’arrivée de milliers d’hommes et de femmes en quête de fortune. 

L’histoire des Caraïbes se poursuit au XXe siècle avec ses deux conflits mondiaux. Le siècle sera marqué par de nombreuses crises sociales et politiques. On commence à parler d’émancipation, d’autonomie dans les colonies. La première étape sera la départementalisation en France qui fera, en  1946, de la Martinique, de la Guyane et de la Guadeloupe des départements français, tout comme La Réunion, baignée par un autre océan. Le Mexique vit au rythme de ses révolutions et insurrections ; Cuba, confrontée à l’omniprésence de la mafia américaine, entame sa propre marche vers la révolution guidée par Fidel Castro. En 1959, Batista est renversé et Castro prend le pouvoir. Les îles britanniques de la Caraïbe accèdent elles aussi à l’indépendance à partir de 1962. Quant à la Colombie, dès le début des années soixante, elle doit faire face à une lutte armée menée par une guérilla paysanne qui deviendra les FARC.

Multiple et variée, la Caraïbe raconte les rencontres d’hommes et de femmes qui composent ce vaste territoire où le multiculturalisme est une réalité toujours confirmée. La richesse de cette histoire commune, de cette mer qui cimente et rend cohérent cet espace maritime en font une destination unique où le tourisme maritime et culturel prend tout son sens.

La rue Vatable, à Pointe-à-Pitre, au début du XXe siècle. © Archive Farms/Getty Images