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Les récits de la mer

Et si l’histoire de Grand Sud Caraïbe vue de la mer m’était contée

La Terre des Karibs

La date du 6 novembre 1493 marque pour les îles de Guadeloupe un changement brutal de paradigme. L’arrivée des caravelles de Christophe Colomb lors de son deuxième voyage, va bouleverser la vie des autochtones, ces Karibs qui vivent ici depuis des centaines d’années. Après avoir quitté les rives du fleuve Orénoque, ces peuplades ont remonté l’arc caribéen à bord de frêles esquifs pour coloniser les îles peuplées d’indiens Arawaks présents sur ces territoires insulaires depuis plusieurs millénaires. Les Karibs, ou Kalinagos, seraient arrivés vers la fin du IXe siècle de notre ère.

Le territoire de Grand Sud Caraïbe et sa richesse en eaux douces ont fait du site  un lieu idéal d’implantation et il porte de nombreuses traces amérindiennes. La commune de Trois-Rivières est communément considérée comme le berceau de la civilisation précolombienne pour les Petites Antilles du fait de la présence de très nombreux pétroglyphes. De même, les roches gravées de Baillif, mises au jour lors du passage du cyclone Marilyn en 1995, au bord de la rivière du même nom témoignent de cette présence. Tout comme le site de la rivière du Plessis qui compte une vingtaine de pétroglyphes. Incontournables de l’histoire de la Guadeloupe et de ces cultures ancestrales, ces vestiges précolombiens se visitent. Le parc archéologique des roches gravées de Trois-Rivières parle de ces peuples premiers, de leur présence millénaire, de leurs pratiques cultuelles…Installé sur les hauteurs, à proximité de la côte, le parc offre une vue imprenable sur l’archipel des Saintes et lorsque la visibilité est parfaite, on peut avoir la chance d’apercevoir la Dominique. Les Saintes, du fait de l’absence d’eau potable, n’ont semble-t-il pas été habitées durablement, mais ont été des terres de passage, entre la Dominique et la Guadeloupe. Des vestiges archéologiques, haches de guerre et de poteries déterrées sur le site de l’Anse Rodrigue sont exposés au musée du fort Napoléon de Terre-de-Haut.

C’est donc par l’océan et la mer que le bouleversement va se produire et si les Kaliganos ont opposé une farouche résistance à l’envahisseur, empêchant les premières tentatives de colonisation de l’archipel durant plus d’un siècle, la puissance européenne viendra à bout de cette opposition. Le début du XVIIe siècle verra les Français, Anglais, Hollandais s’installer sur ces îles que les Espagnols ont abandonné au profit des territoires continentaux, plus propices à la découverte de riches minerais. Les Kaliganos, par exemple, qui vivaient dans un important centre de peuplement sur l’actuelle communes de Vieux-Fort,  ont été chassés lorsque les premiers colons français ont construit le fort Royal aux alentours de 1635, après leur débarquement à la pointe Allègre.

Arrivée des colons Français

C’est véritablement à cette période que débute la colonisation de l’archipel et le territoire de la Basse-Terre en tête. La compagnie de Saint-Christophe-et-Niévès cherchait un lieu d’implantation. C’est la Guadeloupe qui est choisie et l’expédition menée par Charles Liènard de l’Olive et à Jean du Plessis d’Ossonville. Cinq cents colons et quatre missionnaires débarquent pointe Allègre au nord de la Basse-Terre, le 28 juin 1635. Le manque de nourriture les obligent à descendre vers le sud. Cette décision marque la naissance, en 1636,  de la plus ancienne paroisse de Guadeloupe et des Antilles françaises : Habitants, qui deviendra Vieux-Habitants.

Deux ans plus tard, les colons s’implantent sur ce qui va devenir Bouillante. L’année précédent, en janvier 1637, Charles Liénard de l’Olive, offre aux religieux de l’expédition des terrains situés entre deux rivières aujourd’hui dénommées la rivière des Pères et la rivière du Baillif. La colonisation, outre une volonté de développement économique s’accompagnait toujours du principe d’évangélisation des peuples autochtones.

Mais ces implantations s’accompagnent de conflits entre colons et Amérindiens qui tentent de défendre chèrement leur territoire. Une guerre meurtrière menée par L’Olive marque cette période, symbolisée par la construction du fort sur le territoire de Vieux-Fort, le fort Olive, dont il reste quelques rares vestiges.

Charles Houël, nouveau gouverneur de Guadeloupe, décide en 1643 de quitter le site de Rivière-Sens choisi par son prédécesseur pour s’installer sur la rive droite de la rivière du Galion.  Sur un éperon  rocheux dominant la rade, il fait construire un fort le  « Chasteau de la Basseterre » qui deviendra le fort Delgrès. Dans le même temps, l’église Notre-Dame du Mont Carmel est érigée. La ville de Basse-Terre est alors fondée en 1649. C’est aussi le gouverneur Houël qui sera à l’origine du développement de Capesterre. Il favorisera également la culture de la canne à sucre sur le territoire et la construction du premier moulin.

La paroisse de Trois-Rivières, fondée en 1640, sera quant-elle réputée pour son développement agricole. Ses sols fertiles et ses eaux abondantes en font un site idéal pour la culture de manioc, d’igname, de coton, de café, de tabac, de l’indigo et de cacaoyer et bien sûr de la canne à sucre.

Mais, cette prospérité relative est régulièrement mise à mal. Des ouragans ravagent régulièrement la colonie et conduisent les propriétaires des plantations à infliger à leurs esclaves des rythmes de travail pour redresser la colonie. Des décisions souvent inhumaines qui engendreront les premières révoltes d’esclaves. Les meneurs d’une première rébellion en 1656 Jean Leblanc de Capesterre et Pèdre de Basse-Terre finiront par être attrapés et suppliciés.

Guerres des Territoires

Alors que la colonisation du territoire se poursuit avec le développement des habitations et les cultures diverses et l’arrivée régulière de nouveaux esclaves venus d’Afrique, les occupants doivent faire face à des conflits incessants avec les Karibs. En 1660, un  traité franco-anglo-caraïbe est signé et les Kalinagos abandonnent la majeure partie de l’île au profit des Français pour s’installer sur l’île de la Dominique.

Le XVIIIe siècle sera marqué par des affrontements entre Français Anglais. 1757 verra le début de la Guerre de Sept ans qui opposera la France et la Grande-Bretagne, conflit qui est aujourd’hui considéré comme la première guerre mondiale. A la signature du traité de Paris, la Guadeloupe et la Martinique sont restituées à la France. mais cela ne mettra pas fin aux velléités britanniques sur les îles françaises des Antilles. Régulièrement, au cours des décennies qui suivent le traité de paix, les deux puissances s’affrontent. La bataille navale des Saintes en 1782 sera remportée par la flotte anglaise.

De ces luttes de territoires qui ont obligé l’administration de l’île à se lancer dans un programme de construction défensive, subsistent sur le littoral de la Basse-Terre et jusqu’aux Saintes, de nombreux vestiges : batteries, forts et autres constructions.

L’instabilité occasionnée par la Révolution française et, en 1794, par la première abolition de l’esclavage vont favoriser les Britanniques. Le 20 avril de cette année-là, le gouverneur cède l’île aux Anglais. Une invasion qui aurait été favorisée par les planteurs pour qui la décision d’abolition était inacceptable. Quelques semaines plus tard, les Français reprennent l’île et le 2 juin 1794, Victor Hugues, commissaire de la Convention nationale, proclame l’abolition de l’esclavage.

Le rétablissement de l’esclavage en 1802 sera l’occasion de violents afrontements entre abolitionnistes et l’Empire, représenté par le général Richepanse, envoyé par Napoléon Bonaparte pour rétablir l’esclavage. Face à lui menant quelques centaines de révoltés, des leaders comme Louis Delgrès, le capitaine Massoteau et le capitaine Joseph Ignace tenteront de s’opposer à cette décision. Ils y laisseront leur vie au cours d’un épisode célèbre où ils choisirent le suicide plutôt que la rédition.

Il faudra attendre le  27 avril 1848 où, sur une proposition de Victor Schœlcher, le décret d’abolition définitive de l’esclavage soit signé et appliqué. Sa promulgation a lieu en Guadeloupe le 27 mai.

L’archipel entre dans une nouvelle ère, celle de la liberté et de la reconstruction après cette longue agitation, occasionnée par les conflits franco-britannique. Entre les cyclones qui s’abattent sur l’île, les éruptions de la Soufrière, les épidémies, comme celle du choléra entre 1865 et 1866, qui occasionnera la mort de plus de 12300 morts sur toute l’île, la Guadeloupe et ses îles se redressent, à chaque fois.

Aujourd’hui, tournée vers le tourisme, le territoire du Grand Sud Caraïbe se raconte au fil des découvertes : vestiges amérindiens, anciens moulins et habitations toujours actives, constructions coloniales… Toutes les communes du territoire, mise à part Saint-Claude, bercées par les Alizés ou soumises à la violence des vents en période cyclonique, ont cette ouverture essentielle vers la mer des Caraïbes, le long de la côte sous le vent, et l’océan Atlantique pour la côte au vent, C’est toute l’histoire de la Guadeloupe qui se raconte ici le long des Routes Bleues Mythiques.